Longtemps, les défilés de mode se sont tenus dans l’effervescence. Pourtant, ce lundi de fin septembre, chez le créateur malien Mossi Traore, la quiétude règne lors de ce premier soir de la fashion-week parisienne.

Dans une galerie du Marais à Paris, Mossi Traoré, 38 ans, espère que sa collection mettra en lumière sa marque éponyme. « Par mon projet, mon histoire personnelle, je veux transmettre l’idée de l’espoir. Je suis le fils d’un éboueur venu du Mali. J’ai envie que les gens sachent qui est Mossi ! Il est question de jolis vêtements, de belle couture, mais aussi d’un engagement social, » dit-il avec conviction. Qui porte mes pièces sera dans le même état d’esprit que moi: « Impossible is nothing ! »

Mossi est né à Paris dans le18e arrondissement. Il est le deuxième d’une fratrie de sept enfants. Sa famille vit alors dans 27 mètres où règnent la discipline et la liberté. « Mon père aujourd’hui, m’a toujours laissé faire ce que je souhaitais, mais il n’aurait toléré ni un vendeur de drogue ni un paresseux sur un canapé. Avec ma mère qui est femme de ménage, ils se sont sacrifié pour m’aider à financer mes projets. Ça fait réfléchir.

C’est au lycée, dans sa ville de Villiers-sur-Marne en banlieue parisienne, où il habite encore, que Mossi Traoré, fou de sape, se passionne pour la mode. « Je chapardais des fringues dans les grands magasins pour me créer des looks. Pour moi, fan absolu de l’OM, les grands créateurs, c’était Adidas, Umbro, Lotto ! Puis, à 18 ans, je suis allé voir une exposition Yohji Yamamoto au musée des Arts déco, à Paris. Je n’ai rien compris, mais j’en suis sorti avec cette certitude : créer, c’est être libre. » Quand Mossi parle de mode, c’est une force vitale qui dépasse la question de savoir de là où on vient. « Lorsque vous affrontez les regards dans le quartier, à l’extérieur, plus rien ne vous fait peur! », affirme-t-il.

« J’ÉTAIS FASCINE PAR CEUXQUI ÉTAIENT LA TÊTE D’EMPIRES, COMME ARMANI. »

Le créateur explique encore, « il faut dire que j’ai tout tenté, le style Black Eyed Peas, Johnny Depp dans « Pirates des Caraïbes »… On me trouvait tellement bizarre !
Mossi est la preuve que la réussite dans les quartiers est possible. En 2020, il est lauréat du prix Pierre-Bergé de l’Andam.

Serein et tranquille, son style s’autorise tout… Une sorte de street couture qui rend hommage à ses pères tout en descendant dans la rue. Son seul mantra: le droit à la beauté dans la diversité.

Mais d’où lui vient cette maîtrise du drapé et du plissé, plutôt originale dans sa génération ? « J’ai toujours admiré Yohji Yama-moto, Issey Miyake, Martin Margiela, la folie créative d’un Galliano. » Il se dégage alors une signature couture adaptée au quotidien. La coupe, le savoir-faire, l’artisanat, c’est le secret de famille de Mossi. De l’audace, de la création mais du pragmatisme avant tout.

Parallèlement à la création, c’est l’importance du social qui l’anime, mais via une paire de ciseaux. « J’ai créé cette école pour montrer que l’on peut faire de la couture dans une banlieue parisienne. Mais surtout pour offrir aux autres ce que je n’ai pas eu : de l’emploi ! Je ne vends pas du rêve aux élèves, mais un travail. » Cette formation qui dure trois ans est gratuite et ouverte à tous. Douze élèves par classe, venus de partout et que l’on retrouve désormais chez Chanel, Dior ou Jean Paul Gaultier.

Mossi rêve. « Habiller l’actrice Aishwarya Rai, nous, les Africains, on adore Bollywood, les créations distribuées à Londres, New York, New Delhi ou Pékin », confie-t-il en souriant. Et il ajoute : « avoir un enfant pour l’appeler Mossi… »

Mossi rêve. « Habiller l’actrice Aishwarya Rai, nous, les Africains, on adore Bollywood, les créations distribuées à Londres, New York, New Delhi ou Pékin », confie-t-il en souriant. Et il ajoute : « avoir un enfant pour l’appeler Mossi… »

« ON PEUT FAIRE DE LA COUTURE DANS UNE BANLIEUE PARISIENNE. JE NE VENDS PAS DU RÊVE AUX ELEVES, MAIS UN TRAVAIL. »

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